Le Marcheur de Fès - Eric Fottorino

Le Marcheur de Fès - Eric Fottorino

Quatrième de couverture

 

« Nous aurions filé vers les Pyrénées. On aurait coupé l’Espagne de haut en bas. Une manière de césarienne pour exhumer ton histoire. Nous serions remontés au début, jusqu'à Fès, ta ville natale. Serions-nous jamais arrivés ? »

À l’automne 2012, j’ai voulu emmener mon père marocain dans les rues de sa jeunesse, le quartier juif de Fès, la médina, l’entrelacs de ses souvenirs campés entre l’université de la Karaouine et la façade de l’Empire qui fut jadis le plus grand cinéma d’Afrique du Nord.

 

J’ai fait le voyage sans lui. La maladie en a décidé ainsi, je suis devenu à sa place le marcheur de Fès. J’ai compris à quoi tient une existence. Un kilomètre à peine sépare le mellah de la ville moderne, le monde juif de l’ancien secteur européen. Dans ce mouchoir de poche, Moshé Maman est devenu Maurice Maman. Comme tous les siens, le Juif marocain a rêvé de s’intégrer à la France, de parler sa langue, d’y construire sa maison, sa famille, son avenir.

J’ai traversé les ruelles et les cimetières, poussé la porte des rares synagogues, parlé aux derniers Juifs fassis dont la flamme s’éteindra bientôt. À chaque pas, je suis tombé sur ce père longtemps inconnu. Jusqu’à tomber sur moi, à l’improviste.

 

 

Avis

 

Notre vie est un gant qu’on retourne désormais avec le sourire. Tu es né fassi. Moi je suis fasciné.

 

C’est seul sur les traces de son père naturel Maurice Maman que l’auteur part et déambule dans les rues de Fès, dans les pas de Moshé-Moïse le Fassi.

Je poursuis comme on poursuit un rêve. Je poursuis sans te poursuivre cardans ce rêve nous roulons de concert, deux oranges « Toi et Moi » au fond d’un panier de raphia.

 

De ce père connu très tard, à l’âge de dix-sept ans,  il ne sait pas grand-chose, il est médecin juif marocain, a été rejeté par sa belle famille et n’a donc pu épouser sa mère.

Ce voyage entreprit par l’auteur ira donc bien au-delà d’une simple découverte, c’est une plongée dans l’histoire de son père, dans l’histoire de ses origines, dans l’histoire des juifs marocains de Fès. Un retour aux sources qu’il aurait du effectuer avec son père mais le sort en a décidé autrement, cloué au lit par une maladie son père l’accompagnera à distance.

Je vais marcher plus vite, moins profond. Tu vas me guider à distance. Je t'enverrai de petits films, des photos. A mon tour de te chuchoter des histoires pour t'en rappeler d'autres.

 

L’auteur rencontrera les amis d’enfance de son père, découverte physique de divers endroits de la ville comme le mellah (ancien quartier juif), l’oued ou encore une ancienne maison close ;  mais aussi découverte temporelle à la recherche du passé celui de son père, celui d’un pays, des anciennes traditions, de ce qui a rendu heureux son père et ce qui l’a attristé. Des joies, des drames, de tout ce que fait une vie.

C’est d’ailleurs en se rendant au cimentière que l’auteur se retrouvant devant la tombe de Ninette (sa tante) disparue trop jeune comprendra ce qui a le plus bouleversé la vie de son père jusque dans sa pratique de la religion.

Tu es né juif et tu le restes. Mais tu estimes ne pas appartenir à un prétendu peuple élu. En jetant ton tallith, tu dis : je suis libre.

 

Nous remontons les rues en même temps que nous remontons son arbre généalogique, une invitation à découvrir sa famille.

C’est un récit personnel et émouvant qui n’a pas manqué de me faire voyager moi aussi, une écriture remplie d’émotions, on s’attendrait presque à trouver « les anciens » au détour d’une rue comme si d’un coup le passé refaisait surface.

 

Lu pour les Chroniques de la rentrée littéraire  

 

D'un geste vague, Abraham fait revivre les jardins d'autrefois, la gare routière, les cafés, les calèches. Puis il glisse sous mon nez ses cartes postales hors d'âge comme autant de preuves qu'ici, avant, ont vécu des Juifs. Une vieille image montre la façade d'un hôtel de la belle époque. Son doigt s'arrête sur l'étoile de David peinte au-dessus de l'entrée. Je lève les yeux devant un mur lépreux. Plus d'étoile, plus d'hôtel. Seulement de la poussière et des ombres.

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