8 Août 2014
Présentation
Ellen Cherry n'avait aucune intention d'épouser Randolph “Boomer” Petway, son flirt du lycée. Car quand on ambitionne de devenir artiste, un ex devenu soudeur ne présente pas grand intérêt. Ellen Cherry préfère fuir sa ville natale pour les lumières de Seattle où elle expose ses premières toiles. Jusqu'au jour où Boomer vient la chercher au volant d'une caravane transformée en dinde géante. Elle succombe, et les deux jeunes mariés partent pour New York. Mais dès leur arrivée, Boomer et sa dinde roulante vont lui voler la vedette et s'accaparer l'attention de l'avant-garde artistique. Ellen Cherry se reconvertira alors comme serveuse dans un restaurant tenu par un juif et un Arabe en face de l’ONU.
C’était une journée de début de printemps, pleine de chatons de saules discolores, ensoleillée et dégivrée, et les jeunes mariés traversaient le pays à bord d’une grosse dinde rôtie.
Cette dinde était étendue sur le dos, comme toutes les dindes rôties ; soumise et consentante, offrant sa poitrine au couteau à découper, les cuisses dodues dressées bien droites dans une position un peu raide mais désinvolte, comme s’il pouvait lui prendre à tout instant l’envie de bondir et de retomber sur ses pattes, mais bien sûr, elle n’avait plus de pattes, ce qui rendait cette impression dénuée de sens, voire ridicule, et ne faisait qu’ajouter à l’aura de vulnérabilité loufoque qui nimbait cette dinde.
Toutefois, en dépit de l’absence de pattes, nonobstant cette pathétique privation d’attributs ambulatoires, la dinde rôtie en question – ou sa reproduction géante – filait sur l’autoroute à plus de 100 km/h, et elle était bien partie pour aller ainsi sur le dos plus loin et plus vite que beaucoup de petites starlettes ambitieuses.
Avis
Tom Robbins !!
Cela devrait suffire à vous faire comprendre ce qu’a été cette lecture. Folie, anticonformisme, sujets délicats, le tout enrobé d’un humour abrasif. Ooohhh je sais tout ceci pourrait rebuter certains d’entre vous, d’autant plus que Sir Robbins n’a pas fait dans la petite nouvelle puisque ce « roman » (oui y’a des guillemets et pour cause !) est un petit bijou d’un peu plus de 500 pages … bon 540 !
Histoire complètement délirante écrite en 1990 et traduite récemment pour vous chers lecteurs francophones, celle d’un couple, Ellen artiste peintre et son mari Boomer soudeur, qui part sur les routes des Etats-Unis direction la grosse pomme … New Yooorrkkkk et son milieu artistique, à bord d’une dinde géante oupss pardon d’un camping-car. Ils ne seront pas seuls, rencontreront des personnages tout à fait atypiques mmmmm autant dire hors norme, là au moins on sait où on va, des objets bien décidés à vivre leur vie… Totalement extravagant mais tellement marrant.
On retrouve une femme-louve obnubilée par les papiers-peints, une petite cuillère qui veut se rendre à Jérusalem, un juif fétichiste des chaussures à talons qui dirige un restaurant avec un arabe, Norman l’artiste de rue, sans oublier tous ces petits objets dotés d’un esprit libre.
A L’INSTANT même où les objets inanimés avaient regardé par la grille au niveau du trottoir dans leur nouveau refuge et qu’ils avaient repéré Norman le Pivotant, ils avaient été totalement fascinés. De tous les humains qu’ils avaient rencontrés, séparément ou ensemble, c’était lui qui était le plus proche d’eux. Jusqu’à présent, ils n’avaient ni connu ni imaginé un animal humain travaillant sur quelque chose qui ressemblât de si près au temps des objets. L’homme ou la femme de la rue était peut-être incapable de déceler ses mouvements, ses rotations insensibles, mais pour les cinq inanimés, ils étaient parfaitement visibles, familiers et à la bonne vitesse.
Evidemment le but de la manœuvre n’est pas de rigoler un bon coup et d’en oublier le plus important car l’auteur, à travers ses phrases cinglantes, discourt sur le milieu de l’art contemporain décrit comme une escroquerie intellectuelle, le conflit israélo-arabe (encore et toujours d’actualité), les croyances religieuse considérées comme « le cyanure du peuple ».
Une première virée avec Tom Robbins véritablement cinglante.
Merci aux Editions Gallmeister.