Le Front russe – Jean-Claude Lalumière

Editions Le Dilettante

Date de parution : 25/08/2010

Présentation
Le grain de sable, on croit le connaître, mais il peut prendre bien des aspects. Celui qui vient soudainement gripper la carrière de fonctionnaire diplomatique, benoîte et prévisible, du héros du Front russe, formé à l’exotisme par une lecture méticuleuse de Géo, adopte celle d’un attaché-case. Grande chose noire et anguleuse, cadeau de maman. À l’heure de l’entrée en fonctions, un chef de service vient y donner du genou. En découle une lésion au front assortie d’une mutation sèche, aux confins de l’empire, sur le « front russe », service voué au « pays en voie de création – section Europe de l’Est et Sibérie ».

Usant de cette officine diplomatique (située dans le néo-XIIIe, « sorte de Broadway faussement high-tech ») comme base opérationnelle, notre homme va répondre à une rare vocation de gaffeur lunaire et de planificateur de catastrophes, plus désopilantes les unes que les autres, qui renforceront l’exil de notre homme sur le « front russe », entre Boutinot, le chef de service, Aline, fugace maîtresse et quelques collègues improbables. Notre homme, frustré dans son désir d’horizon (« J’avais l’impression d’être loin sans être ailleurs »), se résignera à ce bout de quai qu’est sa carrière de fonctionnaire (« Je vis et il ne se passe rien »). Mot de la fin, signé du même : « L’histoire d’une vie, c’est toujours l’histoire d’un échec ».

Le pot est au monde du travail ce que la boum était à notre adolescence : une occasion récurrente, régulière, rassurante, d’oublier la tristesse et la monotonie de l’année qui s’écoule avec lenteur jusqu’aux prochaines grandes vacances en y introduisant des moments de communion, d’entrain forcé autour de boissons et de nourritures incertaines.

Avis
Formidable livre sur un jeune diplomate fraîchement diplômé, rêvant d’ailleurs et entrant au Ministère des affaires étrangères à seule fin de voyager. Il prend ses fonctions dans un bureau à Paris, une administration « secondaire » nommée le Front Russe, Le «Bureau des pays en voie de création/Section Europe de l'Est et Sibérie» sorte de punition causée par le cadeau encombrant de sa mère tout aussi encombrante : une grosse mallette en cuir, un attaché-case.

C’est donc l’histoire de ce jeune homme banal élevé au magazine Geo, se retrouvant enfermé dans un bureau du XIIIe arrondissement où il ne se passe rien, déambulant de bureau en photocopieuse à attendre la mission qui le fera sortir de ce placard. En attendant il se démène pour se faire valoir : mails, organisation d’événement, jusqu’à la scène du pigeon venu s’écraser sur sa fenêtre et les nombreux échanges avec le service technique qui en découlent pour le faire enlever. Les joies de la bureaucratie dans toute sa splendeur.

Tout ça c’est sans parler de ses collègues de bureau tous aussi cinglés les uns que les autres.

Et là on se dit le pauvre ! Monsieur pas de chance persiste dans son ambition et finira par voyager en Georgie et même par recevoir des ministres étrangers, à organiser une conférence de presse pour un dignitaire malheureusement la presse ne se bouscule pas au portillon, qu’à cela ne tienne il recrute des chauffeurs pour jouer le rôle de journalistes. Petite astuce qui lui vaudra le privilège du quitter le Front Russe et d’entrer au service communication du Quay d’Orsay.

Les galères ne s’arrêtent pas là pour lui et il vaut mieux que je vous laisse découvrir sa destination finale.

Truculent et succulent ! Voilà deux mots qui collent parfaitement à ce récit. Un rêve qui s’écroule dans l’humour, une administration frôlant l’absurde, des personnages caricaturés et des situations comiques qui font défiler les pages à toute allure. Et cette écriture fluide et simple qui donne à la vie du narrateur un côté cocasse.

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