Nefertiti en bikini - Claire Huynen

Lecture en Partenariat avec Livraddict et les Editions Le Cherche Midi

Présentation

« Des centaines de personnes se serraient frileusement autour de leur guide. [...] Des rangs entiers de bateaux de bois jouaient les autobus. Ils embarquaient leurs passagers fébriles à un rythme de marche militaire. Dans toutes les barcasses, ça comptait et ça recomptait. Les guides surveillaient leur formation en ordre serré. [...] La semonce essentielle, répétée inlassablement, était pourtant celle dont le danger la séduisait le plus : ne vous perdez pas. [...] Mais elle savait que tous les passagers avaient un billet de retour. Que le seul vrai danger était d'être en retard pour le dîner. »

Une mère offre à sa fille un voyage. Une croisière sur le Nil à bord du Cleopatra, hôtel flottant affrété par Magic'Vacances. Mais, dès l'arrivée, la mère trébuche et se trouve immobilisée par une entorse. Condamnée à rester sur le bateau, elle attend chaque jour le récit des excursions de sa fille.
Une femme et sa mère, que tout éloigne, se rencontrent à travers l'approche d'un pays qu'elles découvrent d'une manière différente. Quand la première sera entraînée dans le rythme effréné des visites, la seconde, à travers les histoires et les rencontres, prendra le temps lent du voyage. Néfertiti en bikini dresse avec humour les travers du tourisme moderne et les symptômes du phénomène de groupe qu'il génère. Il sera aussi question d'éblouissement, de résistance et de reddition.

Une heure trente après leur arrivée, ils quittaient le temple. Karnak express. Jo n'avait rien vu, sinon les milliers de touristes agglutinés aux mêmes endroits. Et le parapluie rouge du guide qu'on lui avait imposé comme point de mire.

Avis

Alors premièrement j'adore cette couverture très coloré elle m'a tapé à l'œil à la librairie et encore plus quand je l'ai vu dans la liste des partenariats Livraddict.

Destination l'Egypte avec ce court roman dans lequel l'auteure met en scène la course des touristes, les visites éclair des temples égyptiens, une horde de touristes regroupée en troupeau à l'assaut d'une civilisation ancienne, la caricature type du joyeux drille ou de l'obsédé de la photo qui pour ne louper aucune pierre en oubli de vraiment regarder les monuments et autres statues, les "joies" du marchandage face aux petites échoppes typiques ; et ne sachant que très peu apprécier ce qui est offert à leurs yeux :

Pourquoi tous ces gens s’ennuient-ils en vacances ? Ils accèdent à des choses qu’ils ne reverront jamais. C’est important, je crois, de découvrir quelque chose que l’on ne connaît pas. Même si on ne comprend pas tout. Pourquoi cela a-t-il si peu de valeur pour eux ?

Jo avait découvert l’Egypte et son histoire grâce à sa tante Emma, dévorant livres et documentaires sur le sujet durant des années sans jamais mettre un pied sur le territoire égyptien. Ses connaissances et son amour pour la civilisation égyptienne lui promettaient un voyage extraordinaire.

Les dieux s’invitaient dans sa vie sans foi. Le bestiaire mystique l’impressionnait et la fascinait. Crocodile, ibis, vache, hippopotame, lion, chacal, cobra s’entouraient de troubles pouvoirs. Bienveillants, toujours, même si elle frissonnait de les inventer cruels.

Sa mère Sylvette organise donc un voyage sur le Nil pour elle et sa fille, un voyage qui réjoui beaucoup la mère, rebute un peu la fille mais qui devrait permettre de construire un pont entre elles deux.

Jo a embrassé sa mère. Les mots se refusaient. Magic’Vacances. Le Cléopatra. Rien que nous deux. C’était tout ce qu’elle avait toujours fui.

Mère et fille vont trouver un moyen de se rapprocher délicatement, victime d’une entorse dès le début du voyage Sylvette est coincée sur le bateau et attend sa fille à chaque fin d’excursion pour un rapport de visite, ce qui paraissait une vraie corvée au début se transformera en moment complice, d’autant plus que la mère ne souffre aucunement de devoir rester sur le bateau.
Ce tourisme de masse si bien décrit dans ce roman est une vraie plaie pour Jo, souffrant de voir combien la croisière importe peu aux vacanciers bien plus préoccupés par le buffet que par le paysage qui se déroule sous leurs yeux, pourtant elle arrivera à faire fi de ce grouillement « d’insectes » pour profiter à sa façon des merveilles que lui offre l’Egypte. L’auteure décrit à merveille les mauvais côtés de ce genre de tourisme, les tours opérateurs et leur façon toute particulière d’occulter une partie de l’Histoire pour accélérer les visites, ces guides qui ont toujours un pourcentage des recettes ; les descriptions sont très amusantes, les caricatures de personnages très bien ciblées.

Jo était fatiguée des couleurs criardes. Elle se mordit la langue, mais la réplique pourtant fusa : -Que diriez-vous si les touristes égyptiens venaient chez vous attifés d’un béret basque, avec une baguette en plastique sous le bras, et ricanaient autour d’un accordéon de farce ? On n’essaie pas d’approcher les oiseaux en se déguisant en autruche. Eux aussi trouvent ça de mauvais goût.

Un roman sympathique qui aborde le voyage et la découverte de deux façons différentes, l’une perçoit le pays à travers un guide et les mots de sa fille, l’autre à travers sa connaissance de cette civilisation et les déceptions. La relation mère fille est délicate dans ce roman et les rapprochements difficiles mais j’ai beaucoup apprécié cette manière toute simple qu’elles ont de communiquer et de se comprendre.
De courts chapitres, des mots doux et cynique, du soleil et de l’humour pour un bon moment de lecture.

Merci à Livraddict et aux Editions Le Cherche Midi pour cette lecture

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