La petite danseuse de quatorze ans - Camille Laurens

Présentation
« Elle est célèbre dans le monde entier mais combien connaissent son nom ? On peut admirer sa silhouette à Washington, Paris, Londres, New York, Dresde ou Copenhague, mais où est sa tombe ? On ne sait que son âge, quatorze ans, et le travail qu’elle faisait, car c’était déjà un travail, à cet âge où nos enfants vont à l’école. Dans les années 1880, elle dansait comme petit rat à l’Opéra de Paris, et ce qui fait souvent rêver nos petites filles n’était pas un rêve pour elle, pas l’âge heureux de notre jeunesse. Elle a été renvoyée après quelques années de labeur, le directeur en a eu assez de ses absences à répétition. C’est qu’elle avait un autre métier, et même deux, parce que les quelques sous gagnés à l’Opéra ne suffisaient pas à la nourrir, elle ni sa famille. Elle était modèle, elle posait pour des peintres ou des sculpteurs. Parmi eux il y avait Edgar Degas. »

Avis
Voici un ouvrage qui m'a profondément touché, le destin de ce jeune modèle d'Edgar Degas Marie van Goethem et la découverte de ce qui se passait dans les coulisses de l'Opéra de Paris m'a bouleversé. Il s'agit surtout à travers cette sculpture de détailler l'art et les normes de l'époque, d'expliquer la situation sociale des ces jeunes filles devenues petits rats et de leur devenir des plus incertain voire glauque.
Ces toutes jeunes filles deviennent un fantasmes pour des hommes de la bonne société, ce qui serait puni fortement par la loi aujourd'hui était tout à fait normal à l'époque mais le plus triste est que ce sont les mères qui prostituaient leur enfant. A côté de ce côté sombre l'ouvrage aborde l'art et les artistes dont Edgar Degas, dévoilant un peu de sa biographie et de ses habitudes d'artiste, la perte de la vue qui le conduisit vers la sculpture.

L'auteur s'est documenté sur la jeune fille, cherchant dans les registres d'Etat civil une trace de sa naissance et de sa mort, retrouvant mère et sœurs dont l'une fit une carrière à l'Opéra. Marie van Goethem en est devenu une obsession, cette enfant renvoyé de l'Opéra pour de multiples absences et pour cause celle-ci posait nue pour des artistes afin de gagner quelques sous de plus et remplir un ventre presque toujours vide. La misère est tellement présente dans ces pages que ça en devient insoutenable. J'étais révoltée de lire certains passages d'une vie malheureuse pour ce corps à l'époque à reçu tant de quolibets et qui aujourd’hui trône dans ne nombreux musées à travers le monde.

Le travail de Degas sur cette sculpture n'a pas été reconnu à sa juste valeur, pourquoi avoir choisi un modèle si maigre sans aucune beauté et au visage mal proportionné, est-ce que ces critiques ont touché Marie? On ne le sait pas, peut être ne s'intéressait-elle pas à l'art mais juste au revenu qu'il procurait. Un ouvrage magnifique sur une époque aux bouleversements sociaux nombreux, mêlant souvenirs personnels et descriptions de l'oeuvre l'auteur délivre non pas un beau document mais un récit prenant et poignant. Il est un passage où l'auteure avoue , et je la comprend aisément:

J'ai du mal à terminer ce livre, car j'ai du mal à quitter Marie. Je ne pensais pas formuler jamais une telle phrase. "Je suis triste de quitter mon personnage. Il m'obsède. Je continue de penser à lui, à elle..." D'habitude, les auteurs qui prétendent cela m'exaspèrent, je les trouve conventionnels, hypocrites, ridicules. Pourtant, c'est ce que j'éprouve aujourd'hui avec la petite danseuse, avec -ma- petite danseuse, ai-je failli écrire.
c'est peut-être parce qu'elle a un corps; fût-il en cire ou en bronze sous mes yeux, ce corps a existé, il a traversé des rues de Paris où je peux suivre sa trace aujourd'hui.

 

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