Les Oiseaux chanteurs - Christy Lefteri

Présentation
Chypre, 2016. Nisha Jayakodi disparaît un soir sans laisser de trace. Son employeuse Petra Loizides s’inquiète de la disparition de la nounou qui élève sa fille de 9 ans depuis sa naissance. Yiannis, le locataire qui occupe le premier étage de sa maison, est lui aussi bouleversé : se serait-elle enfuie suite à sa demande en mariage la veille ? Mais la jeune femme sri-lankaise a laissé derrière elle son passeport, l’écrin qui renferme la photo de son défunt mari et la mèche de cheveux de sa propre fille Kumari restée au pays.
Quand Petra tient à signaler sa disparition à la police, celle-ci refuse d’ouvrir une enquête, sous prétexte que cette main-d’œuvre immigrée a tendance à s’enfuir pour des postes plus rémunérateurs.
Impuissant, Yiannis continue de son côté ses activités illégales : ancien banquier, ruiné par la crise de 2008, il vit du braconnage des oiseaux, prisonnier d’un réseau mafieux puissant et dangereux. Ensemble Petra et Yannis vont enquêter auprès de nombreuses femmes invisibles comme Nisha et découvrir la facette sombre d’un pays gangréné par la corruption et les trafics en tous genres.

Avis
Pétra, jeune mère et veuve, a embauché Nisha juste avant la naissance de sa fille Aliki. Elles vivent au rez-de-chaussée d'une maison à Chypre, l'étage étant loué à Yiannis.
Nisha est une travailleuse immigrée originaire du Sri Lanka qui s'occupent de la maison et d'Aliki. Elle a quitté son pays afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa fille Kumari et de sa mère après le décès de son mari. Une séparation difficile mais nécessaire que les employeurs à Chypre ont du mal à intégrer, car pour eux ses immigrées sont sans vergogne, attirées par l'argent.
Yiannis et Nisha sont amoureux, leur histoire nous est racontée au fil des pages, leur amour secret, les difficultés, l'argent, la famille ... Tout comme Pétra qui a perdu son mari alors qu'elle était enceinte. Des destins troublés et qui vont s'unir pour révéler au pays l'exploitation de ces femmes.

Mais avant d'en arriver là, il sera surtout question de la disparition de Nisha un soir, et l'incompétence des services de police qui considèrent qu'il s'agit simplement d'une fuite. Mais la révélation que sa disparition n'est pas un cas isolé va changer la donne.
Les chapitre alternent entre Petra, Yiannis et un oiseau, un oiseau qui observe ce qui se passe autour de lui jusqu'à suggérer l'impensable.

A travers la tragédie de Nisha c'est la vie de toute les femmes exploitées dont il est question: de celle qui se fait battre, à celle qui subit des viols, celles qui finissent au bordel et ceux qui tentent d'aider ses femmes, et ceux et celles restés au pays.
Le récit est fluide et bien construit, le fait d'alterner les chapitres entre les protagonistes n'alourdit en rien le rythme bien au contraire. J'ai été rapidement happée par cette histoire, par ces histoires: celle de Petra, de Nisha et de Yiannis, et de celles peuplant le récit, et toutes aussi dramatiques les unes que les autres.
Il est beaucoup question de sentiments et d'émotions, pourtant malgré la proximité physique des personnages il demeure un éloignement intérieur entre eux, notamment entre Petra et sa fille, et entre Nisha et Yiannis.

D'une belle écriture poétique l'autrice aborde un aspect de l'immigration dont j'ignorais tout, comment se dire qu'aux portes de l'Europe l'on traite encore ainsi un être humain, ou profiter ainsi de la détresse humaine comme ces agences par qui ces travailleuses doivent passer.
Et les oiseaux chanteurs au cœur de cette histoire, qui de leur œil observe la mort et de leur corps nourri les hommes.
Très émue par ce récit, largement inspiré par les sordides faits de 2019 pour lesquels Nikos Metaxas a été qualifié de premier tueur en série de Chypre, je me suis demandée si finalement ces travailleuses avaient pu obtenir un statut, les mêmes droits que n'importe quel citoyen de l'île. Mais non!
Une habitante de l'île: "Les filles sont totalement dépendantes de leurs employeurs. Au moindre souci, elles risquent de perdre leur permis de travail et d'être expulsées. Alors elles acceptent tout. Pour 309 euros par mois…" (revenu fixé par le ministère du travail, racisme institutionnel!!)

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