8 Septembre 2011
Quatrième de couverture
Catherine Kitty Genovese n’aurait pas dû sortir seule ce soir de mars 1964 du bar où elle travaillait, une nuit de grand froid, dans le quartier de Queens à New York. Sa mort a été signalée par un entrefilet dans le journal du lendemain : « Une habitante du quartier meurt poignardée devant chez elle. »
On arrête peu de temps après Winston Moseley, monstre froid et père de famille. Rien de plus. Une fin anonyme pour cette jeune femme drôle et jolie d’à peine trente ans. Mais savait-on que le martyre de Kitty Genovese a duré plus d’une demi-heure, et surtout, que trente-huit témoins hommes et femmes, bien au chaud derrière leurs fenêtres, ont vu ou entendu la mise à mort ? Aucun n’est intervenu.
Qui est le plus coupable ? Le criminel ou l’indifférent ? A la fois récit saisissant de réalisme et réflexion sur la lâcheté humaine, traversée d’un New York insalubre et résurrection d’une victime, le roman de Didier Decoin se lit dans un frisson.
Avis
C’est un roman mais pas seulement, une fiction surement pas puisque c’est une histoire vraie, un document c’est probable puisque le nom de la victime définit depuis un syndrome psy celui qui veut que face à une situation d’urgence, plus les témoins sont nombreux, moins ils auront tendance à intervenir, en d’autres termes chacun compte sur l’autre pour agir.
Un fait divers des années 60, le meurtre de Kitty Genovese, poignardé à plusieurs reprises puis violée devant chez elle, dans le Queens, alors que ses voisins, 38 personnes, ont été de différentes manière témoins de ce crime, un crime ignoble. Une demi heure durant cette jeune femme de vingt-huit ans agonisera et essaiera de survivre mais sera retrouvée morte dans le hall de son immeuble alors qu’elle pensait y être enfin à l’abri.
Ce livre décrit la passivité des riverains face à cette atrocité dont le coupable sera très vite arrêté. Le lecteur aborde cet acte par l’intermédiaire d’un journaliste et amateur de pêche à la mouche, habitant l’immeuble et absent le jour du meurtre, un personnage neutre intrigué par les faits :
Ce n’est pas le seul narrateur, car le lecteur entre aussi dans la peau du tueur lui-même, Winston Moseley, nécrophile et tueur en série, en quête de proie ; un père de famille qui à la nuit tombé se transforme en monstre.
Aucun atours romanesques, les faits y sont décrit simplement et le comportement odieux de ceux qui ont vu ou entendu n’est pas scandalisé bien au contraire, on essai de comprendre comment on peut en arriver là, comment ne pas réagir lorsqu’un meurtre est commis sous nos fenêtre, pourquoi une telle apathie ? Est-ce un problème de responsabilité, ne pas s’immiscer dans les problèmes d’autrui? Si je ne m’interpose pas quelqu’un d’autre va le faire ? Non car tout le monde pense la même chose et cette jeune-femme a eu tout le temps pour se vider de son sang avant qu’une personne ne prévienne les secours mais 35 mn après le début de l’attaque c’est un peu tard.
L’auteur ne se mouille pas, il laisse le lecteur se faire son idée, une explication psychologique nous est donné mais je dois dire que ça ne m’a pas suffit, le témoin est-il aussi coupable que le meurtrier lui-même ? Serait-on descendu nous-mêmes ? Un constat bien malheureux.
« Encore que, comme le dit parfois Guila pour me taquiner « es-tu si sûr que tu serais descendu, toi, Nathan? »
J’ai toutefois été surprise que « la non-assistance à personne en danger » ne soit pas reconnue aux Etats-Unis, curieux !
Un livre émouvant, surprenant mais terrible.
« D'après le rapport des flics, ils étaient trente-huit. Trente-huit témoins, hommes et femmes, à assister pendant plus d'une demi-heure au martyre de Kitty Genovese. Bien au chaud derrière leurs fenêtres. Certains entortillés dans une couverture, d'autres qui avaient pris le temps d'enfiler une robe de chambre. Aucun n'a tenté quoi que ce soit pour porter secours à la pauvre petite.»