3 Avril 2009
Résumé
Doria a 15 ans, un sens aigu de la vanne, une connaissance encyclopédique de la télé, et des rêves qui la réveillent. Elle vit seule avec sa mère dans une cité de Livry-Gargan, depuis que son père est parti un matin dans un taxi gris trouver au Maroc une femme plus jeune et plus féconde. Ça, chez Doria, ça s'appelle le mektoub, le destin : "Ça veut dire que, quoi que tu fasses, tu te feras toujours couiller." Autant alors ne pas trop penser à l'avenir et profiter du présent avec ceux qui l'aiment ou font semblant.
Sa mère d'abord, femme de ménage dans un Formule 1 de Bagnolet et soleil de sa vie. Son pote Hamoudi, un grand de la cité, qui l'a connue alors qu'elle était "haute comme une barrette de shit". Mme Burlaud, sa psychologue, qui met des porte-jarretelles et sent le Parapoux. Les assistantes sociales de la mairie qui défilent chez elle, toujours parfaitement manucurées. Nabil le nul, qui lui donne des cours particuliers et en profite pour lui voler son premier baiser. Ou encore Aziz, l'épicier du Sidi Mohammed Market, avec qui Doria essaie en vain de caser sa mère. Il se mariera sans les inviter ? Peu importe, « Maman et moi on s’en fout de pas faire partie de la jet-set ».
« …dans la vie ça ne se passe pas comme à Carrefour : y a pas de service après vente. »
Une phrase : "Le destin ça veut dire que quoi que tu fasses, tu te feras toujours couiller."
Commentaire
Ce roman nous raconte la vie quotidienne de Doria, jeune adolescente d'origine maghrébine, qui vit seule avec sa mère depuis que son père l'a quittée pour une femme plus jeune et plus fertile. On entre dans l’univers des cités avec drôlerie (contrairement au livre de Samira Bellil « Dans l’enfer des tournantes ») à travers les yeux d’une adolescente et les portraits des différents personnages qui gravitent autour d’elle.
Il y a la psy de la mairie qui « sent le Parapoux », le prof d'éducation civique qui « se la joue prophète social », Nabil « un mec plein d'ambition », qui veut « carrément participer au "Bigdil" et gagner la voiture ». Et puis, il y a un patron raciste qui appelle « la Fatma », parce que « ça doit bien le faire marrer [...] d'appeler tous les arabes Fatma, tous les noirs Mamadou et tous les chinois Ping-Pong ».
On parle des cités que lorsqu’il y a des problèmes et voilà que Faïza Guène dépeint la sienne avec humour, perspicacité, y exposant l’entraide et la dextérité ; mais aussi le racisme, les préjugés et en pointant du doigt l’incompétence des services sociaux français. C’est un petit roman qui se lit très vite, il faudrait davantage de romans de ce genre, frais et permettant de donner une autre vision « des autres, ceux des banlieues » qui au final sont comme tous le monde, on a tous les mêmes problèmes et la même joie de vivre, le même talent et l’espoir dans l’avenir.
Un extrait
"Plus tard, moi, je voudrais travailler dans un truc glamour, mais je ne sais pas où exactement... Le problème c'est qu'en cours, je suis nulle. Je touche la moyenne juste en arts plastiques. C'est déjà ça mais je crois que pour mon avenir, coller des feuilles mortes sur du papier Canson, ça va pas trop m'aider. En tout cas, j'ai pas envie de me retrouver derrière la caisse d'un fast-food, obligée de sourire tout le temps en demandant aux clients : "quelle boisson? menu normal ou maxi? sur place ou à emporter? pour ou contre l'avortement?" Et de me faire engueuler par mon responsable si je mets trop de frites à un client parce qu'il m'aurait souri... C'est vrai, ça aurait pu être l'homme de ma vie celui-là. Je lui aurais fait une réduction sur son menu, il m'aurait emmené à Hippopotamus, m'aurais demandée en mariage, et on aurait vécu heureux dans son sublime F5".
« Quand j'étais petite, je coupais les cheveux des Barbie, parce qu'elles étaient blondes, et je leur coupais aussi les seins, parce que j'en avais pas. En plus c'étaient même pas de vraies Barbie. C'étaient des poupées de pauvre que ma mère m'achetait à Giga Store. Des poupées toutes nazes. Tu jouais avec deux jours, elles devenaient mutilées de guerre. Même leur prénom, c'était de la merde : Françoise. C'est pas un prénom pour faire rêver les petites filles, ça ! Françoise, c'est la poupée des petites filles qui ne rêvent pas. »
GUENE Faïza