Vivre sous occupation. Quotidiens palestiniens - Aude Signoles et Véronique Bontemps

Vivre sous occupationLu dans le cadre de l’opération Masse Critique

Merci à Babelio et aux Editions Ginkgo

« Comme disaient nos père et nos grands-pères, la vie est comme un train.  Est-ce que tu peux arrêter le train ? »

Résumé du livre

Plus de vingt ans après la signature des accords de paix entre Israéliens et Palestiniens, les regards des médias occidentaux se focalisent sur l'éventuelle reconnaissance internationale d'un État palestinien par l'Assemblée générale des Nations Unies. Comme à l'accoutumée, c'est l'aspect géopolitique du conflit qui polarise l'attention, On sait en revanche beaucoup moins de choses sur la vie quotidienne dans les territoires occupés. Quelles sont les conséquences de l'occupation militaire israélienne sur l'économie locale ? Comment vivre quand les déplacements deviennent un combat au quotidien ?

Ce livre mêle entretiens, chroniques intimistes et réflexions de deux chercheurs engagés dans ce conflit depuis plus de vingt ans. On y découvre de l'intérieur la période s'étendant du processus de paix enclenché en septembre 1993 avec la signature des accords dits d'Oslo, de leur échec, symbolisé par l'Intifada de septembre 2000, et des nouvelles invasions militaires israéliennes au sein des villes palestiniennes dans les années 2002-2006. Il constitue un témoignage passionnant sur la sourde violence d'une occupation qui ne dit jamais son nom.

 

Avis

L’introduction nous met dans le bain :

« Nous avons souhaité ici nous détacher de l’approche qui aborde le « problème palestinien » au seul prisme des relations internationales pour nous intéresser aux dynamiques internes propres à la société palestinienne »

Ce sont les co-auteures, Aude Signoles, politologue et enseignante à Istanbul, et Véronique Bontemps, anthropologue vivant entre la Palestine et la Jordanie, qui s’efforcent de nous rendre compte des difficultés au quotidien d’un peuple soumis au bon vouloir de son voisin israélien pendant la période allant de septembre 1993 aux années 2002-2006.

On commence par une brève explication du processus de paix débuté en 1993 avec les accords d’Oslo et du début de la deuxième Intifada de septembre 2000 mais également des réinvasions israéliennes qui ont suivies.

«  Au-delà, nous avons toutes deux rapidement mesuré à quel point le poids de la présence israélienne restait capital pour comprendre les dynamiques internes à la société palestinienne. Les mobilités quotidiennes, les demandes de permis de construire, les départs en voyage, les inscriptions à l’école : tous les actes, jusqu’au plus banal de la vie des Palestiniens, restaient déterminés par l’Etat d’Israël.

C’est la raison pour laquelle la restitution du vécu et ressenti de la situation sur le terrain ne pouvait être évacuée si facilement de nos recherches : acteurs de la vie publique comme habitants ordinaires avaient à traiter au jour le jour avec les multiples contraintes d’une occupation étrangère qui ne disait plus son nom. »

 

Cet ouvrage raconte le quotidien de Palestiniens après les accords d’Oslo. Tranches de vie et témoignages sur les difficultés rencontrées mais aussi les espoirs d’un peuple face à une occupation de plus en plus invasive.

 

Rencontre avec Kamil M., ingénieur au département des permis de construire de la ville de Bethléem.

«  Cet entretien a été réalisé en décembre 1999. A l’époque, il est prévu que les discussions sur le statut permanent des Territoires palestiniens démarrent quelques mois plus tard.

[…]

A l’époque de l’entretien, mon interlocuteur semblait encore avoir l’espoir que ces discussions aboutissent à un règlement définitif du conflit entre les deux parties et permettent, au niveau local, de nouveaux redéploiements de l’armée israélienne d’une part, des changements de statut pour les terres sises à l’intérieur des frontières municipales d’autre part. »

 

Rencontre avec Mohammad D., chauffeur de camion de Naplouse pour des sociétés de savons

« Dans cet entretien, Mohammad évoque les difficultés qu’il rencontre lors de ses déplacements en Cisjordanie et vers la frontière avec la Jordanie. On y voit les conséquences du durcissement des « bouclages » des Territoires occupés après la deuxième Intifada de 2000, et surtout après avril 2002.

 

Rencontre avec Abu Anas, responsable des taxis al-I’timâd à Naplouse

« Pour nous la vie, ça veut dire que l’être humain doit continuer, on parie, on perd ou on gagne, des fois ça marche et des fois ça ne marche pas, mais on veut continuer… En tous cas, en ce qui concerne les points de passage et les frontières, je suppose, enfin, je n’ai pas visité toutes les frontières dans le monde, mais je pense que nous avons les pires. »

 

Une approche qui met tout de même de côté certains points qui sont pour le moins aussi important que le devenir industriel, économique ou politique, par exemple la première partie du livre intitulée « Mobilités contrariées en territoire fragmenté » est dédiée aux difficiles déplacements commerciaux ; du coup le social ou les conditions de vie sont laissés quasiment de côté.

La deuxième partie présente l’état de l’économie très largement dépendant de la politique, de l’économie israélienne et de l’aide financière extérieure. Mais le plus intéressant à mes yeux reste quand même Le journal de terrain – Chroniques de Naplouse 2006-2010, qui apporte réellement une lueur sur le quotidien des Nabulsis.

« Depuis l’occupation des Territoires palestiniens en 1967, ce dernier (l’Etat d’Israël) a activé une politique économique qui vise à la fois à l’enrichissement personnel et à l’appauvrissement collectif des populations. C’est ce que la politologue américaine Sara Roy appelle la politique israélienne d’anti-développement. »

 

Rencontre avec Issa S., conseiller municipal de Ramallah

« Oui, avec la paix, il y a eu un grand boom économique, les gens étaient très satisfaits et heureux. Personne ne pensait que ça s’écroulerait. Tout le monde pensait : « ça y est, la paix est là ! ». Mais aujourd’hui, c’est la déprime »

 

Rencontre avec Markus G., directeur des programmes de l’ONG Catholic Relief Services (CRS) à Beit Hanina (district de Jérusalem)

« En réalité, l’Etat d’Israël n’a pas intérêt à ce que des activités de développement soient organisées par les Palestiniens à l’échelle régionale. Il cherche plutôt à briser toutes connexions entre villages qui pourraient servir d’appui à la structuration d’une économie, mais aussi d’identités régionales, et conforter, ce faisant, l’avènement d’un Etat.

Sa stratégie consiste donc plutôt à aider au développement du « micro-local », afin d’apporter un semblant d’amélioration aux conditions de vie des habitants dans les zones rurales et tenter de leur faire oublier les réalités de sa domination. Il en était de même du temps de l’occupation. »

 

Ouvrage condensé sur un problème de taille qu’est le conflit israélo-palestinien et sur les difficultés au  quotidien de vivre dans un territoire occupé, un territoire où l’espoir d’une vie meilleure est entravé par un imbroglio politico-économique.

« Mais nous, on essaie, et c’est la preuve qu’on veut résister.

Nous voulons la vie, nous voulons la liberté, nous voulons la paix. »

 

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